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Un site NICRONICS








"Tel un pommier au milieu des arbres de la forêt", Cantique des Cantiques, 2
"Les vignes elles courent dans la forêt", Jean Ferrat, La Montagne, 1964.
"L'herbe recherche la compagnie dans la terre,/ L'arbre la solitude dans le ciel." Rabindranath Tagore, Oiseaux épars, 1916.
"Puis des pierres, des pierres roulées, comme si jadis, dans ces hauteurs, passaient des fleuves..."
Giono, Ennemonde, 1968

Livre du mois : Joëlle Zask, La Démocratie aux champs

L'association La Tartuga vous propose ce site virtuel en parallèle à la réalité physique d'AVARTARTUGO, jardin-forêt de terre, rochers, pierres, arbres, plantes et faune. À visiter sur fond de Humus, création de Alexandra Grimal, Maestra septembre 2020.


Dans la forêt, nos certitudes se brouillent. Ce cliché pourrait avoir été pris dans le bois à l'est du champ nord de Avatartugo. Il l'a été dans la forêt de Matheran, station des collines écologique sans voiture dans le Maharashtra, en Inde. Ce pourrait être aussi la Forêt d'Arden de Shakespeare : "There is the matter of the woods in the warm season of the solstice" (Et puis, il y a l'affaire des bois à la chaude saison du solstice), Kalyan Ray, Eastwords, 2004.






Laurence Millereau, marraine d'Avatartugo, vous y souhaite la bienvenue en compagnie des ancêtres liés au lieu, dont, prima inter pares, Joséphine Turle (à qui il fut légué en 1838 par son père Louis Thomas Broquier, dit Thomé), épouse de Joseph Nicolas, grand-père de Charles, lui-même grand-père de Maurice, père de la présidente et du directeur artistique de l'association La Tartuga, et de leur soeur Odile. Dans les années 1970, Laurence posa dans douze costumes différents pour son compagnon de l'époque. Chaque costume lui permit d'endosser un pan de sa personnalité. Une série de douze dérouleurs (Dérouleur n°1, par Magali Latil, ci-contre) redonne vie à cette séance qui marqua un sommet de sa jeunesse. À chaque image est associé un extrait de poèmes écrits à la fin de sa vie, quand elle était immobilisée au fond de son jardin toulonnais. Les dérouleurs marquent chacun une étape dans la visite du jardin-forêt, à laquelle la poète nous convie.
Dans la vallée tout est givre/ Comme un velours sur l'herbe
Et les arbres sont sculptures/ Acérées que la lumière
Saisit à travers son prisme/ Les forêts feutrées de neige
Et pareilles aux cathédrales/ Laissent monter le silence
Sous leurs voûtes séculaires/J'avance dans ce désert blanc
Ma mémoire résiste au vent/ Souvenirs pris sur la neige
Parcelles de vie arpèges/D'une musique au cœur battant
J'avance dans ce désert blanc/ Sereine au chant du cœur battant.
https://laurencemillereauecrivain.blogspot.com/
https://issuu.com/jean-luchinsinger/docs/dunordausud



Avatartugo : le champ nord





Sur un terrain de 2 hectares agricole et forestier, plus occupé depuis 1960, l'association LA TARTUGA préserve la végétation locale, à deux pas du Conservatoire des Oliviers de la municipalité de Carnoules dans la "Coulée verte" de Camp-Orioul, à la frange nord du village.
Inspirations : Conservatoire Méditerranéen Partagé, Jardin du Rayol, Pépinière de la Libre à Besse-sur-Issole, Jardin remarquable L'Hardy Denonain à Gassin, le Jardin d'Élie à La Roquebrussanne, le potager d'Edmond aux Aurèdes.
Cf. aussi https://permaculture-sans-frontieres.org/en/node/18
http://www.ecologiste.org/contents/fr/p251_foret_jardin_martin_crawford.html
un formidable jardin-forêt :
https://www.youtube.com/watch?v=AMLHgykf_bE
Parc paysager de Duisburg-Nord, Vallée de la Ruhr

Après une phase de débroussaillage et de nettoyage qui a permis de redessiner les limites de deux champs anciens, s'ouvrira dans un avenir incertain une période de recensement des plantes existantes, parallèlement à une étude des possibilités de plantations respectant et s'inspirant de la flore du lieu. Espèces privilégiées : chênes blancs (pubescents), oliviers, figuiers, cades, arbousiers. Autres espèces présentes : chêne vert, viorne tin, genêt, lentisque, quelques cistes cotonneux et de Montpellier, pin d'Alep présent mais heureusement pas vraiment envahissant. À introduire : espèces médicinales, caroubier, jujubier, grenadier ? Plaqueminier ? Des espèces originaires de climats voisins adaptées au changement climatique ?
(Ci-contre : Dérouleur n°2, par Babil)













LE PARCOURS DES RESTANQUES
Le terrain est traversé sur toute sa longueur comme une épine dorsale par une longue restanque principale : c'est l'extrémité nord de la restanque qui suit la courbe de la colline au pied de laquelle le centre ancien de Carnoules dessine une élégante virgule. À Avatartugo, cette restanque suit le champ nord (ci-dessus) puis les Alyscamps (qui se termine à la Roche de Laurence) ; on la retrouve ensuite dans la forêt en direction du sud. Une restanque perpendiculaire délimite le "Temple", à l'arrière du bastidon ; une autre borde le potager plus bas, et plus bas encore une autre borde le champ sud. Elles sont restaurées moins dans la tradition "provençale" que dans un esprit celte, en rocaille, incluant ainsi une notion romantique d'effondrement et de passage du temps ; elles marquent la frontière ténue entre la promesse d'agriculture et le retour à l'état sauvage.
"Que fera donc l'homme de goût qui veut se faire une promenade à la porte de sa maison ? Il élaguera le terrain pour s'y promener commodément, mais les deux côtés de ses allées ne seront point toujours exactement parallèles ; la direction n'en sera pas toujours en ligne droite, elle aura je ne sais quoi de vague comme la démarche d'un homme oisif qui erre en se promenant."
(J.-J. Rousseau).
Au pied des arbres, près du vieux bastidon, protégés des sangliers par des enclos en branches, on a planté des aulx, semé des graines de moutarde et de fenugrec. On aimerait y voir pousser des fèves, des pois chiches, des tomates et des romaines. Conseils bienvenus.






Plantes médicinales présentes à Camp-Orioul*, dans les environs** ou à importer :
absinthe**, ache, ail*, aigremoine, angélique**, armoise, aubépine*, bardane, basilic**, bourrache**, buis**, camomille, cassis (essais prévus à l'automne en lisière champ/forêt), coloquinte officinale, épervière piloselle, épine-vinette, fenouil**, garance, gaude, genièvre*, consoude, guimauve, hysope, lavande*, lin, lis, marrube, menthe*, oignon, ortie**, prêle, raifort, réglisse, romarin*, rose, saponaire, sarriette**, sauge*, sureau**, thym*.

HERBIER D'ODILE TURLE, École Primaire de Carnoules, spécimens collectés à Camp-Orioul, 1969


FLEURS PRINTANIÈRES D'AVATARTUGO

1 Glaïeul sauvage 2 Ophrys bécasse 3 Céphalanthère ou Hellebore ? 4 Aphyllante de Montpellier (comestible)

5 Ail sauvage rose 6 Muscari à toupet 7 ?

8 ? 9 Pois vivace 10?

11 Ginesta ? 12 Scorpiurus subvillosus 13 Renoncule rampante (bouton d'or)

14 Potentille rampante ("l'amie du sexe féminin") 15 ? 16 Bugrane jaune (Ononis natrix ; diurétique)
17 Coquelicot


La recherche de la réponse aux points d'interrogation fait partie du travail de l'atelier Botanique... Merci à Chantal et Michel pour les premières réponses. Contributions bienvenues.










En accompagnement de son activité botanique et agricole, Avatartugo propose aussi des activités artistiques et culturelles, notamment avec des ateliers land art dirigés par Carla van der Werf.
Le Land Art, courant artistique postmoderne, s’implante aux Etats-Unis à la fin des années 60. Les grands espaces y jouent un rôle prépondérant. L’objectif était de transférer dans la nature le principe de l’installation et de développer l’intérêt pour les substances naturelles brutes. Ce courant trouve un certain écho en Europe: En France, on connait surtout Didier Raoult et Marc Pouyet: en Angleterre Andy Goldsworthy; en Allemagne Nils Udo. Le Land Art utilise comme cadre la nature et comme matériaux : fleurs, bois, terre, sable, pierre, rochers et autres. Il s'agit de lier l’art à la nature, à la vie. Les œuvres, exposées aux éléments, disparaissent avec le temps. On est donc dans le domaine de l’éphémère. Il ne reste que leur souvenir photographique ou l’image filmée.
Dans l’optique d’une éventuelle présentation en public, des oeuvres de petit format peuvent être conçues et présentées en complément des documents photographiques ou des dessins.

Déroulement du stage :
– Se familiariser avec le lieu par un temps d’observation : contact avec le sol, contemplation de la forme d’un arbre ou des cernes annuels sur la coupe d’un tronc, ou d’une petite zone de terrain
– chaque participant choisit son espace de travail en tenant compte de l’aménagement naturel des lieux : comment construire du nouveau, comment le transformer et l’intégrer dans l’existant.
La pratique
– invitation à faire un croquis sur papier selon le thème choisi : ébauche sur papier, ou croquis du paysage. Le participant peut aussi bien commencer directement par la création d’une forme avec des matériaux trouvés sur place.
– apprentissage d’une installation statique par accumulation de différents éléments, ou initiation à une forme en mouvement, aérienne.
– Après la réalisation de la forme dans l’espace, le participant peut l’élargir, voire l’approfondir par un dessin, une peinture, une photo, ou une description sous forme d’un texte pour ainsi clôturer cette étape du processus créatif. (Ci-dessus : Dérouleur n°3, par Babil)

Travail individuel
Accompagné par l’enseignant, il permet à chacun d’instituer un dialogue avec l’environnement, avec le site et son histoire. Il interroge ce qu’il se trouve sous ses yeux - couleurs, formes, matière. (cf. Essayer voir, de Georges Didi Huberman). Pour l’apprentissage du regard, on se référera à John Berger, About looking. (Ci-contre : Écorce. Photo (c) 2019 Carla van der Werf)
Travail en groupe
Le terrain en friche peut aussi devenir une terre d’accueil d’idées. Une personne lance une proposition et le processus créatif démarre. Si les participants maîtrisent déjà le dessin ou le peinture, au contact avec les matériaux de la nature, ils peuvent voir se libérer une autre forme d’énergie. L’apprentissage du regard face à la 3e dimension s’impose : "Ouvre les yeux”. La perception s’affûte. Le sentiment de découverte s'inscrit dans la durée grâce à la parole ou à la mise en forme. Un stage de plusieurs jours permet d’être à l'écoute, de s’établir dans le site. L'on observe que le partage du quotidien et le contact avec l’expression créative individuelle ou en groupe renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Le travail sur l’image de soi débute sous forme de jeu ; les formes créées sont éphémères, s’effacent, s’écroulent parfois et peuvent se reconstruire par les encouragements ou l’aide des autres. La notion de territoire personnel se transforme en lieu de partage : la création collective y devient la concrétisation d’un projet porté par la mise en commun de plusieurs énergies.
(Ci-contre : Pendule. Photo (c) 2019 Carla van der Werf)



Elevazione, 2001, bronze, 4 aulnes et 1 hêtre. 9 x 5,50 x 5,60 m. Rotterdam1.
Giuseppe Penone : "la forêt était mon terrain de jeu, elle est devenue mon laboratoire et mon atelier"



En association avec Flour de Camin, nous vous présentons Nans Vincent. Notre Puck devait se produire le 2 mai à Carnoules mais, en vertu de Covid, il peut le faire à votre convenance, à tout instant pour vous, confiné.e devant votre écran, qui un jour ne sera qu'"un mauvais somme".
"Nans Vincent, c’est de la chanson à texte et à danser. Pour Faire danser le littéraire, ralentir le pas du fêtard. Réconcilier le Punk Anar’ avec sa grand- mère. Faire vibrer les murs pour bercer la voisine. Une musique pour buveurs de bière, de tisane et de champagne."
www.nansvincent.com



"Il a ce côté impénétrable qu'ont les arbres." Patachou sur Brassens

L'Arbre en poche, disque-concept/tragi-comédie musicale de Claire Diterzi, créé à Vannes en 2018, d'après le Baron perché d'Italo Calvini. Dans le roman, Côme grimpe un jour sur une yeuse comme il y en a plein à Camp-Orioul, et n'en redescend plus, afin de montrer la vacuité de la vie de ses contemporains. Dans la version musicale de Claire Diterzi, du haut de son moabi, le héros (le contre-ténor congolais Serge Kakudji), "sous les yeux de son frère, resté rivé à son confortable fauteuil comme trop de (télé)spectateurs passifs du désastre actuel, fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la dévastation des forêts de son Congo natal (.../...) à la fois direct et foisonnant, populaire et savant, iconoclaste et poignant, le disque spectacle fait voisiner avec un naturel déconcertant une reprise du générique de Goldorak, un hommage au Pli de Gilles Deleuze et une chanson en swahili…" Voilà qui ne devrait pas déconcerter les Wemistes. L'hymne d'Avatartugo ? cf. YouTube





Nous recherchons des musiques adaptées au thème développé par Avatarturgo. La piste indienne, proposée par notre ami Rohinton Cama, donne ceci : des descriptions des éléments, dont, entre autres, la Terre. Cf. 1 Sandeep Ranade "Naadrang" Pruthvi (Earth) - Elements by Naadrang (copier/coller pour écouter). 2 Sandeep Ranade "Naadrang" Jal (Water) - Elements by Naadrang (copier/coller pour écouter). Puis substituer Earth et Water par 3 Fire/4 Air/5 Ether C'est l'ensemble des éléments, Terre, Eau, Feu, Air, Éther qui compose la jungle (=forêt).
À ne pas manquer : une récitation du poète dalit sur fond de flûte et de jungle : tapotez N.D.RAJKUMAR POET (YouTube)

La Tartuga vous invite à une visite virtuelle de son siège social, LA TARTUGO, sur le site latartugo.com. La restauration et l'ouverture ponctuelle au public de la maison sont l'autre versant de l'activité de l'association. La Tartugo fut à partir des années 1890 la maison de ville, le coeur d'une exploitation agricole dont le terrain de Camp-Orioul faisait partie. Un siècle plus tard, elle fut pendant quinze ans de créations éphémères celui du WEM (1997-2011). Aujourd'hui, ses tendances culturale et culturelle sont réunies dans la célébration d'un patrimoine à la fois terrien et artistique.




"Dans la noirceur de la forêt, qui n'a d'autre nom que la beauté." Lire le discours de réception du Prix Nobel : Dans la forêt des paradoxes. J.-M. Le Clézio - www.nobelprize.org › prizes › literature › clezio ›


« De la forêt » (Aranyaka, 1939), Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950, l’auteur de Pather Panchali, cf. Satyajit Ray), traduit du bengali par F. Bhattacharya, Zulma,
Roman fondateur de l'écologie. Un diplômé de Calcutta devenu régisseur d’un domaine forestier aux confins du Bihar, est fasciné par l’écosystème qu’il découvre. « Quel merveilleux spectacle que la pluie sur la forêt ! » Pourtant, de par son métier, il est un artisan de la disparition du monde sauvage qu'il révère. Nul doute que son dilemme trouve un large écho chez beaucoup d'entre nous.

Lowenhaupt Tsing, Anna Le Champignon de la fin du monde, Les Empêcheurs de Penser en rond, La Découverte, trad. Philippe Pignarre. Une fascinante histoire de champignon japonais hors de prix qu'on trouve dans les forêts post-industrielles américaines : une réflexion sur l'après-catastrophe.
La vie hors de contrôle des champignons est un don - et un guide - au moment où le monde que nous pensions sous contrôle a disparu… Les matsutakes nous invitent à faire preuve d’une curiosité qui est sans doute la condition première d’une survie collaborative dans des temps précaires.
La rapidité avec laquelle les matsutakes émergent dans les paysages ravagés nous permet d’explorer les ruines qui sont notre maison commune. Les matsutakes mettent aussi en lumière les failles de l’économie politique globale. Marchandises mondialisées depuis trente ans, ils sont recherchés dans les forêts de tout l’hémisphère nord et expédiés frais au Japon. Dans le Nord-Ouest Pacifique des États-Unis, la plupart des cueilleurs sont des réfugiés du Laos et du Cambodge. Ils racontent d'effroyables histoires de déplacements et de pertes : la cueillette des champignons sauvages témoigne d’un mode de vie précaire, sans sécurité. En suivant le commerce et l’écologie des matsutakes, on aborde l’histoire des modes de vie et des environnements précaires. Avoir conscience que la précarité est un mal omniprésent sur la planète permet de définir la situation actuelle. Aussi longtemps que les analystes prendront la croissance comme postulat, ils ne percevront pas l’hétérogénéité de l’espace et du temps, alors que c'est une évidence pour les observateurs ordinaires.
L’économie est liée à l’environnement : l'histoire de la concentration des richesses fait des humains et des non-humains des ressources sujettes à investissements. Elle a poussé les investisseurs à aliéner les personnes et les choses, à les soumettre à l'idée qu’il est possible de vivre isolé, indépendamment des autres, comme si l’enchevêtrement des vies n’avait aucune importance. L'aliénation entraîne des modifications du paysage puisqu'une seule ressource importe et que tout le reste est ravalé au rang de mauvaise herbe ou de déchet. La simplification induite par l’aliénation produit des ruines. Les paysages de la globalisation sont jonchés de ruines ; pourtant la vie palpite encore dans ces lieux, malgré l’annonce de leur mort.
(Lecture proposée par Nadia Douek, mathématicienne et vice-présidente de La Tartuga. À droite : Avatartugo, le champ sud).
Pour en savoir plus sur le développement des champignons comme matériaux d'avenir : Olivia Boyd, Why People Think Mushrooms Could Save The World : Fungi are nature’s greatest chemists &
Peter McCoy, Radical Mycology: A Treatise on Seeing and Working with Fungi.

Patrick Mauriès, Fragments d'une forêt, Grasset. La Forêt du titre est ici un hommage à un genre littéraire imaginé dans son Sylva Sylvarum par le philosophe anglais du XVIe siècle Francis Bacon. Cette forêt faite de lectures, de rencontres, de souvenirs est un paysage mental d'un infini raffinement, le contraire, pourrait-on croire, de la forêt- "nature" et pourtant non car elle devient chez l'érudit Mauriès un refuge, justement, un lieu de "résistance" face à l'inculture qui de nos jours règne en maître dans la Cité.
(Suggéré par Po&Psy) En ligne sur le site de la revue Décharge : la recension de Claude Vercey et son invitation à l’évasion :"Évadons-nous. Allons voir les arbres, et réfléchissons avec le peintre sur la création artistique" : www.dechargelarevue.com
(Ci-dessous : (c) Serge Plagnol, Paysage de confinement, 2020)

Ponge, Francis La Fabrique du pré : le "pré", atelier d'écriture, lieu source d'un processus d'écriture. L'on peut voir de même le "jardin-forêt" comme un atelier de création littéraire. Les branches, toutes les ramifications peuvent être alors considérées comme des métaphores de la trace écrite. Et l'on peut penser la broussaille comme une rature qui donne à voir les hésitations et autres cheminements. (Lecture proposée par Agnès Segura, plasticienne et animatrice de cercle de lecture, Toulon).
Encore Ponge : "Malgré tous leurs efforts pour 's'exprimer', ils ne parviennent jamais qu'à répéter un million de fois la même expression, la même feuille. Au printemps, lorsque, las de se contraindre et n'y tenant plus, ils laissent échapper un flot, un vomissement de vert, et croient entonner un cantique varié, sortir d'eux-mêmes, s'étendre à toute la nature, l'embrasser, ils ne réussissent encore que, à des milliers d'exemplaires, la même note, le même mot, la même feuille. L'on ne peut sortir de l'arbre par des moyens d'arbre." Francis Ponge, Le parti pris des choses (lecture proposée par Cédric Lerible, Revue Teste).

Riba, Daniel, Dolmens & Menhirs de Provence, Coll. Équilibres, Éd. Serre, 1984 L'atmosphère d'Avatartugo, avec ses tumulus et affleurements de roches, fait irrémédiablement penser à la Provence celte, aux mégalithes, aux menhirs et dolmens peu connus de notre région. À 500 m de là, les fouilles récentes au pied du village (2nd semestre 2019), l'exhumation du "Premier Carnoulais", la découverte de vestiges de pieds de vignes antérieurs aux Grecs, nous ont rappelé nos ancêtres d'entre 1500 et 4500 av. J.-C. Ils sont bien là à Camp-Orioul.

(Ci-contre) Avatartugo, le "tumulus" sud
(Ci-dessous) Avatartugo, le "monolithe" du champ nord

Shakespeare, William, Le Songe d'une nuit d'été : la forêt comme havre contre-urbain & lieu de métamorphose. Le vieux Duc, exilé, réfugié dans une cabane : la forêt est “tel un crapaud, laid et venimeux" mais "porte un joyau précieux en sa tête” (Comme il vous plaira, II, 1, 13-14) ; Rosalind, sa fille : “Ah, voici donc la forêt d'Arden.” (II, 4,13).
En musique : Mendelssohn, A Midsummer night's dream op.61, Chamber Orchestra of Europe /Nikolaus Harnoncourt (1993, Teldec). "Cette version foisonnante à souhait et débridée comme il se doit est pleine d'énergie, de théâtre. Et on entend tous les bruits de la forêt. Quelle musique incroyable, dotée d'une ouverture époustouflante."
Et l'on oubliera pas d'aller voir aussi du côté de Benjamin Britten et de son Songe d'une nuit d'été (1960) (Tape Britten: A Midsummer Night's Dream. Richard Hickox, City of London Sinfonia, avec James Bowman), qui reprend les caractéristiques de l'opéra pastorale (voir plus bas).
(Écoute proposée par Anaïs smart, co-fondatrice du Wem et aujourd'hui administratrice générale du Paris Mozart Orchestra, l'orchestre de Claire Gibault.)

Zimmermann, Francis, La jungle et le fumet des viandes. Un thème écologique dans la médecine hindoue, Édition de l'École des Hautes Études, 1982.
Avec le Livre de la Jungle, Rudyard Kipling a donné une image totalement fausse de la jungle (tropicale, inextricable, encombrée de lianes), qui n'existe que pendant la mousson. Le reste du temps, c'est un lieu sec et aride. Le même type de malentendu existe en Occident. La forêt primitive n'est plus, depuis au moins le Moyen Age - sa disparition est au coeur de la thématique shakespearienne. Aujourd'hui, elle a quasiment disparu de la planète. Un lieu comme Avatartugo est symptomatique de cette réalité : c'est, en gros, une clairière, un lieu gagné par l'homme sur la nature, un carré de terre cultivé à la lisière d'un bois, qui lui-même n'est plus sauvage depuis une éternité. Cette frontière est hautement symbolique d'une activité humaine primordiale : la transformation de la forêt en grenier. Quand on parle de "Forêt comestible", on évoque des souvenirs comme la maison de pain et de sucre de Hansel et Gretel, un conte du XIXe siècle, dont les origines remontent au XVIIe, sur un thème beaucoup plus ancien encore. Il est déjà présent dans l'antique médecine ayurvédique. "Le défrichage des terres sèches (la Jungle) et le drainage du corps humain (la médecine) étaient deux aspects d'un seul et même art de gouverner la circulation des fluides vitaux tout le long de la chaîne des êtres : la montée des sèves végétales, le fumet qui s'exhale de la cuisson des viandes et enfin le jeu des humeurs à l'intérieur du corps humain." C'est cela qu'étudie ce livre savant et qui sous-tend toutes les tentatives actuelles de revenir à une agriculture écologique. (Ci-dessus : Jungle - forêt - de Kankakeshwar, Maharashtra, Inde, Photo BT).

“Tout est nourriture, tout est la nourriture de quelque chose d'autre." (Upanishads). Dans l'ancienne science indienne de la vie, on appelait 'sarvausadha' la nourriture = le remède qui guérit toutes les maladies.“Que la nourriture soit ton remède” (Hippocrate). À LIRE AUSSI : Vandana Shiva, Étreindre les arbres, in Reclaim. Recueil de textes écoféministes, choisis et présentés par Émilie Hache, Paris, Éditions Cambourakis, 2016; & pour un soupçon d'écologie politique : http://lebruitdesarbres.eu/
Ci-contre : Nadia Douek, Lisière (c) 2019 Nadia Douek

Avatartugo, projet de petit théâtre de verdure à l'extrémité des Alyscamps.

Il avait déjà été envisagé l'établissement d'un théâtre de verdure pour le festival WEM à la fin des années 1990. Mais les problèmes posés par l'organisation de spectacles musicaux en plein air s'étant révélés insolubles, le WEM prit ses quartiers d'été à la Salle Daumier. Aujourd'hui, un modeste théâtre de verdure servirait pour des joutes poétiques et des discussions liées à la permaculture et autres sujets relatifs à la culture de produits alimentaires sains dans les conditions dégradées qui sont celles de l'ère post-industrielle, la sècheresse, entre autres.




« Je te dirai les absides bleues des nefs à l’orée du voyage je te dirai le silence des étoiles et la rumeur de la mer au bord des mots je te dirai le ressac des paroles nées du sommeil je te dirai les jungles ombrées sauvages où se perdent les rêves les champs de coquelicots rouges comme les larmes de l’aurore je te dirai la lumière orpheline des réverbères et la voûte nimbée des forêts »
Laurence Millereau, Césure de l'absence, Les Alpes vagabondes, 2017

& n'oublions pas, en musique, pour relier l'histoire d'Avatartugo et celle du WEM, les thèmes champêtres de la pastorale et de l'opéra pastorale. Ce dernier remonte au Jeu de Robin et Marion du trouvère Adam de la Halle. En 1480, le Politien donne la Favola d'Orfeo, Le Tasse Aminta en 1573. Guarini (Il Pastor fido, 1585), Philip Sidney Arcadia (1593). Haendel, Gluck, Antoine de Montchrestien (La Bergerie, 1601), Michel de La Guerre (Le Triomphe de l'Amour sur les bergers et les bergères, 1654), Cambert (Pastorale d'Issy, 1659), Lully (Acis et Galatée,1686), Campra, Rameau (Zaïs, 1748, Daphnis et Églé, 1753), Rousseau (Le Devin du village, 1752), Mondonville, Mozart (Il re pastore, 1775) : le genre, longtemps en vogue, est à l'origine de l'opéra et, sur un autre plan, témoigne déjà de l'inquiétude de certains face à l'incurie de l'humain dans son rapport à son environnement naturel. Telles sont des musiques et/ou réflexions qui pourraient s'entendre au milieu des cades et des arbousiers. Ainsi : Giulio Caccini (1551-1618), Al fonte, al prato
Virtuoso Italian Vocal Music - Catherine Bot, Philip Pickett
New London Consort - L'Oiseau-Lyre

Al fonte, al prato,
Al bosco, a l'ombra,
Al fresco fiato
Ch'il caldo sgombra,
Pastor correte;
Ciascun ch'a sete,
Ciascun ch'è stanco
Ripos' il fianco.

Fugga la noia,
Fugga il dolore,
Sol riso e gioia,
Sol caro amore.
Nosco soggiorni
Ne' lieti giorni.
Nè s'odan mai
Querele o lai.

Ma dolce canto/ Di vaghi uccelli/ Pe 'l verde manto/ Degli arbuscelli/ Risuoni sempre/ Con nuovi tempre,/ Mentre ch'a l'onde/ Ecco risponde...

La forêt est comme le carnaval lieu de renversement. Le cliché ci-dessous a été pris aux antipodes, dans la péninsule de Freycinet, en Tasmanie. Photo (c) 2020 Didier Coltri.



John Gray, L'été passé

Il y avait l'été. il y avait
Les chaudes heures du chant aux lèvres de feuillage.
Sueurs d'ambre égouttées.
Les arbres condescendent à verser de leurs perles
Sur les myrtes en aval, et les feuilles placides
Se lovent dans l'extase.

Fruit de quête. Désespoir.
Brûlure des avanies.
Où les ont-ils cachés ?
Une heure, juste une heure,
Pour trouver le dieu mousse là où il s'est tapi,
Entrevoir les naïades aux cheveux délacés
À l'instant où les viennent ombrer les rayons du
Soleil.

Soirs tendrement bercés.
S'endorment les oiseaux de chant exténués,
Avant qu'un autre cercle ne brise leur
Secret.

Les ormes* ont murmuré près des feuilles déchues.
Au fond de quel repli les Dieux aux traits austères
Gardent-ils leur silence d'amertume ?
Aux margelles de quels puits inondés d'attention,
Où les saints arbres,

Leur chanson apaisée, déferlent à jamais la moire
de leur verdeur fébrile ?

in Park, Lieu Commun, Paris, 1987, trad. Paul Rozenberg
(Ci-contre : (c) Agnes Mader, Les confins du confinement, 2020)
* À Avatartugo comme ailleurs, les ormes sont victimes de la graphiose. Les derniers ont séché sur pied récemment.


La Tartuga remercie Colette, Pascale et Sophie Millereau pour l'utilisation des photographies de Laurence Millereau (dérouleurs). (c)2020 Famille Millereau.
Autres clichés (c)2020 Didier Coltri sinon autrement indiqué
(Ci-contre : dans le verger de la Tartugo)

Remerciements à Jean-Luc Hinsinger pour l'habillage de cette page et à Rohinton Cama, qui a suggéré le nom Avatartugo

The woods decay, the woods decay and fall,
The vapours weep their burden to the ground,
Man comes and tills the field and lies beneath,
And after many a summer dies the swan.
Tennyson, ‘Tithonus’









Photo DR (c) Xavier Paquet